Par les deux bouts : la vie

 
    Toute énergie initiale est toujours le centre. Elle génère des mondes sous elle, autour, au-dessus et hors d’elle. Elle met en expansion les tensions de ses contraires et de ses complémentaires.
 
    Au commencement, la cellule. A la fin, la cellule. De l’une à l’autre, molécule et atomes. D’un côté, elle se scinde, se divise pour mieux se multiplier. De l’autre, elle s’étiole, se disperse en poussière de néant. Le quasi rien du début fait son big-bang, se lance à l’assaut du temps et de l’espace.  De l’unité, de l’unique naissent la dispersion, la diversité. Au terme, lorsque tout paraît terminé, reste encore la trace de l’élan. Les fragments seront à considérer pour explorer le passé et nourrir à nouveau le présent.
 
    La vie est mobile, elle est le mobile. Il lui faut l’expansion, la prise d’un territoire, l’affirmation d’un parcours à suivre, à engendrer. Le mouvement suscite le mouvement. Si l’intérieur paraît immobile, c’est qu’en dedans il y a effervescence et que l’apparence ne livre jamais tous ses secrets.
 
    La terre absorbe l’énergie, la répand en sa matière. Elle en remplit son vide. La terre recrache son énergie. Elle en restitue la vie. Le ciel produit et dévore. Et c’est un champ de forces antithétiques qui s’harmonise sans risque de chaos. Tout s’ordonne. Tout devient réciproque, néanmoins conservant son unité indivise. Ainsi l’ordre naît-il de la tension, de l’affrontement, de la reconnaissance par chaque élément des valeurs du reste.
 
    À un bout la vie ; à l’autre la mort. Quel que soit le bout envisagé. De la cellule éclatant, se divisant, se multipliant, procréant, jusqu’au magma se désintégrant, éclatant, se dispersant, émigrant. La vie à l’infini ; une vie limitée. Paradoxe du vivant qui s’avère ensemble insécable et multiplicité fragmentaire, élan et retenue, agglutination et dispersion.
 
    De même l’art. De même cette céramique fractale apposée sur un mur de cimetière. Sophie Ronse lui a laissé prendre des couleurs vert-de-gris, oxydation rongeuse de substance, exemple de la fragilité des matériaux, présence active de ce qui accélère l’anéantissement. Elle lui a donné l’aspect de continents en dérive, de galaxies en extension mais aussi de virus en infiltration, de métastases en propagation, de spores en éparpillement. Elle dit simultanément l’origine et l’aboutissement,  l’éphémère et l’éternel, la carapace et l’occulté, l’âme et la peau, l’informe et le façonné, le réel et la trace, le fractionnement et le rassemblement. Visuellement, elle est synthèse dialectique de l’existence.

 
    Michel Voiturier, 2007.



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    Le chemin le plus court entre l’infiniment petit et l’infiniment grand est l’infiniment conscient. (Basarab Nicolescu)



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